La prima sorbe de bir

La première gorgée de bière, par Philippe Delerm,
estraeda de la colie de noveletas
La prima sorbe de bir e otra plaseres pico
Traduida de franses par Michel Gaillard

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Sola acel es importante. La otras, plu e plu longa, plu e plu trivial, ofre sola un gaxa tepida, un plenia gaxin. La ultima, posible, con sua desilude de fini, retrova un apare de potia…

C’est la seule qui compte. Les autres, de plus en plus longues, de plus en plus anodines, ne donnent qu’un empâtement tiédasse, une abondance gâcheuse. La dernière, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir…

Ma la sorbe prima ! Un sorbe ? Lo comensa longa ante la garga. Ja sur la labios, esta spuma oro cual amplifia la frescia, poi, lenta, sur la palato, la felisia con un tamisi de amargia. U ce lo pare longa, la prima sorbe de bir ! On bevi lo pronto, con un avidia falsa instintosa. En fato, tota es scriveda ja : la cuantia, esta “no tro multe, no tro pico” cual fa la comensa ideal; la contentia instante puntuada par un suspira, un bate de lingua, o un silentia cual egali aceles; la sensa falasiosa de un plaser cual abri se a la infinita…

Mais la première gorgée ! Gorgée ? Ça commence bien avant la gorge. Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l’écume, puis lentement sur le palais bonheur tamisé d’amertume. Comme elle semble longue, la première gorgée ! On la boit tout de suite, avec une avidité faussement instinctive. En fait, tout est écrit : la quantité, ce ni trop ni trop peu qui fait l’amorce idéale ; le bien-être immédiat ponctué par un soupir, un claquement de langue, ou un silence qui les vaut ; la sensation trompeuse d’un plaisir qui s’ouvre à l’infini…

De alora, on sabe ja: tota la parte la plu bon es ja prendeda. On repone sua vitro, e on distanti lo, an pico, sur la cuadro de paper asorbente. On saborea la color, mel falsa, sol fria. Con un ritua de sajia e de espeta, on ta vole mestri la miracle cual veni simultan de aveni e de fuji. On leje con contentia sur la lado de la vitro la nom presisa de la bir cual on ia comanda ja. Ma la conteninte e la contenida pote demanda a lunlotra, reponde a lunlotra, en abiso : no plu cosa va multipli ancora. On ta gusta garda la secreto de la oro pur, e enclui lo en alga formulas. Ma ante sua peti table blanca salpicada con sol, la alcimiciste deludeda salva sola la aspetas, e bevi plu e plu bir con min e min joia. Lo es un felisia amarga : on bevi per oblida la sorbe prima.

En même temps, on sait déjà. Tout le meilleur est pris. On repose son verre, et on l’éloigne même un peu sur le petit carré buvardeux. On savoure la couleur, faux miel, soleil froid. Par tout un rituel de sagesse et d’attente, on voudrait maîtriser le miracle qui vient à la fois de se produire et de s’échapper. On lit avec satisfaction sur la paroi du verre le nom précis de la bière que l’on avait commandée. Mais contenant et contenu peuvent s’interroger, se répondre en abîme, rien ne se multipliera plus. On aimerait garder le secret de l’or pur, et l’enfermer dans des formules. Mais devant sa petite table blanche éclaboussée de soleil, l’alchimiste déçu ne sauve que les apparences, et boit de plus en plus de bière avec de moins en moins de joie. C’est un bonheur amer : on boit pour oublier la première gorgée.

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Lo ia es automata jenerada de la paje corespondente en la Vici de Elefen a 12 setembre 2025 (16:26 UTC).